Anthony Martial

Témoignage : "Ce gamin… vous verrez… on en reparlera !"

samedi 12 octobre 2019 02:00

En 2015, peu de temps après mon arrivée à United, je discutais avec Ander Herrera et Juan Mata. Je leur ai révélé un secret : « Il y a un gamin à Monaco : Anthony Martial. Je suis sûr que dans très peu de temps vous en parlerez tous. »

À ce moment, je connaissais Anthony depuis deux ans, puisque, lors de la saison 2013/14, je suis allé à l’AS Monaco, dans le cadre d’un prêt par la Sampdoria.

Anthony était encore très jeune, il n’était qu’un gamin. Je pense qu’il avait 17 ans à l’époque mais on pouvait déjà voir qu’il était spécial, un joueur avec beaucoup de classe et énormément de talent. Le gamin avait le football dans le sang.

Vous seriez surpris des choses qu’il était capable de faire à l’entraînement. C’était un jeune garçon doté d’énormes capacités et d’une grande force physique. Il était agile et habile des deux pieds, tout en étant explosif dans ses courses et très bon dans la conduite du ballon.

Autre qualité également : le face-à-face avec le gardien. Il savait quoi faire pour l’éliminer en un contre un.

Quand je l’ai découvert, il avait déjà toutes ces armes.

À cette époque, à Monaco, il attendait juste de percer. C’était un jeune talent prêt à montrer à tout le monde ce qu’il pouvait faire sur un terrain de football. Il recevait des conseils de tous. Tout le monde l’aimait bien et souhaitait sa réussite…

Éric Abidal est l’un des contacts avec qui il parlait le plus souvent. Éric lui donnait des conseils pour l’aider à rester détendu. Anthony était encore jeune et Éric était plus âgé et plus expérimenté.

Éric, c’est un gars drôle, c’est quelqu’un avec qui on peut vraiment rigoler, mais il vous oblige à vous entraîner très durement. Il donne des instructions parfaites sur ce qu’il y a de mieux à faire pendant l’entraînement. Je pense qu’Anthony a beaucoup appris de lui et de ses nombreux coéquipiers monégasques.

Il est difficile de ne rien apprendre d’un grand buteur comme Falcao par exemple. Son jeu est d’une telle qualité quand il s’agit de mettre le ballon dans les filets. Falcao est tout simplement génial, et je savais que lorsque les deux hommes se retrouveraient dans un vestiaire, Anthony apprendrait beaucoup de Falcao et que cela pourrait l’aider à prendre de l’assurance.

Bien sûr, c’est bien d’être talentueux, mais il faut avoir l’opportunité de le montrer.

À 17 ans, vous pouvez vous révéler comme un grand joueur ou ne pas réussir pour différentes raisons.

Mais on pouvait déjà voir son potentiel, c’est juste qu’il était encore très jeune et qu’il n’avait pas encore eu beaucoup d’occasions de jouer dans l’équipe première. Nous savions que cela ne lui prendrait pas longtemps avant qu’il n’explose. Et c’est ce qu’il a fait lors de la saison 2014/15. L’entraîneur de Monaco lui a donné une opportunité et il a explosé sur le terrain.

Environ un mois après avoir parlé à Ander, Juan et David, Anthony nous a rejoint à United. Je pense qu’il a fait une forte impression, dès ses débuts contre Liverpool.

Il vient… Il récupère le ballon au large. Et ensuite… Pum, pum, pum… Il transperce leur défense et place le ballon dans la lucarne opposée.

Je pense qu'à ce moment-là, tout est dit... il a montré qui il est et ce qu’il est capable de faire.

Juste après le match, Ander et Juan m’ont dit : « Tu avais raison ! »

Vidéo
Revivez les moments forts du match d'Anthony Martial contre Liverpool en 2015, son premier pour le club.

Je leur ai dit que je ne ressentais pas le besoin d’avoir raison. Quand un jeune joueur est bon, il est bon, c’est tout ! C’est comme ça. Et ce garçon est très doué.

Anthony peut faire ce qu’il veut. Pour un gardien de but, il est très difficile à affronter. C’est un gars qui peut te surprendre d’une manière ou d’une autre.

Vous ne savez jamais ce qu’il va faire lorsqu’il vous a contré. Il peut dribbler autour de vous, il peut faire une passe, tirer, feindre et attendre que vous vous engagiez, il a tellement de qualités.

C’est un gamin qui a l’esprit très clair dans son travail. Il sait décider quand il veut aller dans un espace ou dans un autre. Il n’est pas du genre à essayer de vous tromper du regard.

Son style de finition préféré, en partant de l’aile, est de revenir vers l’intérieur pour frapper. C’est le gardien qui a beaucoup de travail pour suivre ses déplacements. Moi par exemple, souvent je ne sais pas à quel moment il va tirer, sa soudaineté de déclenchement fait qu’on est toujours surpris. J’ai encaissé pas mal de buts à l’entraînement, j’en ai aussi arrêté quelques uns. Mon travail est d’essayer de lui rendre la tâche compliquée.

Je pense qu’il est important que lorsqu’il travaille fort, il le fasse en pensant à ce qu’il va faire de positif en match le week-end suivant, c’est comme ça qu’il doit penser. Je m'entraîne avec cet objectif, je sais que mes efforts l’aideront aussi. C’est l'intérêt de l’entraînement.

Si son contrôle du ballon est un peu manqué, je vais intervenir, mais s’il ne le manque pas, je ne peux souvent rien faire. C’est un travail constant, l’entraînement, un effort commun du gardien et de l’attaquant afin de progresser pour le bien de l’équipe.

Je pense que c’est dans ce domaine, dans le travail d’équipe, qu’Anthony s’est le plus amélioré depuis son arrivée à United.

Au cours de ses six premiers mois à United, il nous a vraiment montré ce qu’il pouvait faire en attaque. Mais depuis, il en a appris bien plus sur l’aspect défensif du jeu. Il a appris la réalité du football, à savoir que ce n’est pas le jeu d’un seul joueur mais de onze sur le terrain qui font de leur mieux, non seulement pour eux mais aussi pour l’équipe toute entière, donc 23 joueurs, le club et les supporters qui sont présents pour encourager leur équipe.

Anthony est un gamin qui déborde d’énergie, il peut apporter énormément en défense. En plus, il est extrêmement rapide. Si vous aidez l’équipe, ce n’est pas seulement pour aider l’équipe, mais il faut gagner et emporter le cœur et l’esprit de vos coéquipiers, de sorte qu’il vous sera plus facile d’attaquer par la suite.

Je pense qu’il travaille là dessus en ce moment, il essaie de rendre son jeu beaucoup plus complet. En plus de ses capacités naturelles, il a acquis une culture tactique. Il peut tout aussi bien attaquer que défendre. Les supporters, si ce n’est déjà fait, vont s’apercevoir de cette évolution. Il peut sauver sur sa ligne et marquer de l’autre côté.

Ces choses sont très importantes dans le football.

Je pense qu’il travaille très dur pour devenir un Anthony Martial dont les gens diront un jour que c’est un joueur complet, capable de défendre, et d’attaquer.

Son attitude face à l’apprentissage est tellement impressionnante ! Il montre un réel désir de jouer et d’être dans le onze titulaire. C’est pour cette raison qu’il travaille également le côté défensif de son jeu, apprenant quand il doit se retirer et se concentrer sur la défense, puis quand il doit attaquer, il a les mains libres.

Il peut faire ce qu’il veut quand il a le ballon à ses pieds ! Un talent pur et naturel.

Anthony est conscient de ses capacités et ses qualités, c’est un garçon intelligent, il sait qu’il peut encore s’améliorer et continuer de grandir en tant que joueur, et c’est le plus important.

Ne jamais dire : « Ça y est, j’ai atteint mon potentiel ! »

Non. Avec cette bonne mentalité, Anthony continuera de s’améliorer.

C’est un garçon très calme qui s’entend bien avec tout le monde. Je le connais depuis longtemps, alors je peux peut-être me rapprocher de lui même si nous ne parlons pas la même langue.

Vous ressentez la même affection quand vous lui dites bonjour ou prenez de ses nouvelles. Par ces petites choses, vous remarquez que le garçon est toujours le même.

Mais bien sûr, il est beaucoup plus ouvert avec Paul Pogba et les autres joueurs francophones. Avec eux il se comporte différemment et il est plus bavard. C’est un gamin sympa qui s’entend bien avec tout le monde.

Sur le terrain, c’est un des meilleurs joueurs que j’ai vu. Le seul joueur au monde capable de courir le ballon collé à son pied est Leo Messi. Il peut courir à fond, le ballon est toujours au bout de son pied, il le contrôle à tous les instants. C’est pourquoi il est si décisif.

Mais ce qu’Anthony a de similaire, c’est que quand il court à toute vitesse, il peut arrêter net le ballon, en une fraction de seconde. C’est exactement ce que fait Messi. Leo court ballon aux pieds, dribble puis tout à coup s’arrête brusquement pour changer de rythme ou de vitesse.

En fait, Anthony peut le faire facilement, d’ailleurs ! Il l’a déjà fait à plusieurs reprises. Il dribble dans un sens, s’arrête brusquement puis va dans l’autre sens.

Aller si vite ballon au pied, s’arrêter brusquement et changer de direction… les joueurs capables de faire de telles prouesses se comptent sur les doigts d’une main.

Anthony est l’un d’eux.

Lorsqu’un joueur a cette qualité, s’il le veut, il peut devenir le meilleur joueur du monde. Mais il doit y croire et c’est la chose la plus difficile : le vouloir plus que tout et le faire savoir au monde entier. Se dire « je veux être le meilleur » et le démontrer sur le terrain, comme je l’ai dit en attaque et en défense.

Il peut aller où il veut. S’il se le dit à lui-même « je veux être le meilleur du monde », alors il pourra devenir le meilleur du monde. Il doit travailler, il doit se le prouver à lui-même et se convaincre qu’il peut être le meilleur du monde.

Nous savons tous qu’un certain Leo Messi est très difficile à rattraper, mais pourquoi ne pas essayer ? Personne ne peut faire disparaître ce désir qu’a un joueur d’exprimer tout son talent.

Et puis, peut-être qu’un jour il deviendra le meilleur joueur ou le deuxième meilleur joueur du monde. C’est une courbe de développement. Tout est question d’apprentissage et de progression dans le football. Séance d’entraînement après séance, match après match, ce n’est que du travail.

Croyez moi, Anthony va continuer à progresser. Il est clair que dans un futur proche nous parlerons encore de lui.