French Connection, épisode 6 : "J’ai toujours fait du foot avec le côté obsessionnel et pas avec le côté ambitieux"

22 août 2001. Craven Cottage.

À la 76e minute d’une rencontre de Premier League opposant Fulham à Sunderland, la toute nouvelle recrue des Black Cats en provenance de l’AS Cannes David Bellion entre en jeu et fait ainsi ses débuts professionnels, à seulement 18 ans. Et en Premier League, qui plus est !

Comme un signe qui allait bientôt les réunir, le jeune avant-centre français voit sa première frappe cadrée arrêtée par la légende néerlandaise et future légende de Manchester United Edwin van der Sar…

« Je fais un genre de frappe où van der Sar arrête le ballon, on perd 2-0 et, quand j’appelle mes potes, je dis : "Mais, van der Sar, il a arrêté mon tir à moi, mon tir, il a arrêté mon tir" », s’était souvenu Bellion à ce sujet, plus tard, en 2021, face à la caméra de la chaîne YouTube footpack., avant de poursuivre sur ce moment…

« Dans ma tête, j’étais encore à jouer à la console, tu sais, je regardais ces joueurs à la télé et je joue contre van der Sar. Je tire du pied gauche et il l’arrête. En plus, il était cadré, le ballon. Et je me voyais, en plus, marquer. J’étais trop content, même dans la défaite, d’avoir joué contre van der Sar. »

La même saison, pour son troisième match en pro, David Bellion entre en jeu au retour des vestiaires contre Manchester United, son futur club…

« Je suis sur le banc contre Manchester et je vois mon héros Ryan Giggs », s’était-il alors rappelé lors de la même interview.

« C’est un de mes héros, comme Weah... Ryan Giggs, tu sais ! Et, donc, je suis sur le banc avec des yeux d’enfant. Y avait Beckham, y avait Ryan Giggs, y avait Barthez dans les cages, Laurent Blanc… »

« Kevin Kilbane, il se blesse à la mi-temps. Alors, moi, dans ma tête, je suis un petit jeune… »

« Avant de rentrer sur le terrain, Peter Reid, il me dit : "Échauffe-toi !" »

« Alors, là, le niveau d’adrénaline, je m'en rappellerai… Le niveau d’adrénaline ! Je vais jouer contre Manchester, contre Ryan Giggs. Et je joue un match, une mi-temps, où Alex Ferguson, après la mi-temps, il dit : "Mais c’est qui, ce jeune ?" »

« Et ils m’ont suivi pendant un an et demi, après ça. Sur une de mes premières actions, je suis parti des 70 mètres et j’ai dribblé tout le monde. Même moi, je me vois dans le film en train de penser à moi-même : "Mais je dribble tout le monde, là, je dribble tout le monde, là !" »

« Et le dernier crochet sur Wes Brown… C’était Graham Paul, l’arbitre. Je fais un crochet et je me retrouve nez à nez avec Barthez, si je le crochète. Donc je le crochète, y a penalty, il nesiffle pas. Mais, s’ił ne me crochète pas, je mets le but de l’année, vraiment. »

« Deuxième action, je fais à peu près la même chose et c’est Laurent Blanc qui me fauche et qui me relève. Et, dans ma tête, c’est comme avec van der Sar et je réalise que je me suis fait relever par Laurent Blanc ! »

« Mission accomplie »

Deux saisons plus tard, en juillet 2003, David Bellion signe finalement à United, après un très long processus de recrutement, il faut l’admettre. Et son rêve de gamin se réalise enfin…

« J’ai toujours fait du foot avec le côté obsessionnel et pas le côté ambitieux. Donc, mon rêve, c’était de jouer avec Ryan Giggs, quand j’étais petit, quand j’étais en pyjama dans mon appartement en train de regarder Jour de foot sur une boîte piratée, à l’époque. Ryan Giggs, quand il courait et qu’il dribblait… Je sais pas, il avançait de partout et tout ça, c’était… Voilà, je me disais : "Un jour, je jouerai avec lui" », s’était-il également remémoré, il y a environ cinq ans, au micro du podcast Banquette.

« Ryan Giggs me fascinait, parce qu’il n’était pas costaud mais il dévalait les terrains comme ça, d’une façon… »

« Quand je suis arrivé là-bas, j’avais ce sentiment de mission accomplie. »

« Deux ans avant, j’étais à Cannes, ce n’est pas que je galérais mais j’habitais chez ma mère, on n’avait pas trop de rangements, j’avais mon vélo et je jouais à la console tout seul. Et, là, tu te demandes, deux ans après, comment c’est arrivé, d’en être là. »

« J’étais excité de me dire que j’allais jouer avec les meilleurs joueurs de la planète mais ça ne m’a pas fait tourner la tête plus que ça, parce que je suis resté avec les mêmes potes, on avait les mêmes délires. Mais, le fait d’arriver là, c’était extraordinaire ! »

"Baptisé" dès le premier entraînement

Sur le même podcast, David Bellion s'était également exprimé sur ses drôles de débuts à Carrington...

« Premier jour d’entraînement. Donc, la tradition à Manchester, c’est de faire un toro à chaque début d’entraînement. Y a eu 15 à 20 minutes de toro. Y en a deux différents. Le toro des jeunes et le toro des anciens, sauf que, moi, je ne le sais pas et je me mets avec qui était là. Je me retrouve alors dans le toro des anciens avec Ruud van Nistelrooy, Barthez, Paul Scholes, Ryan Giggs, Rio Ferdinand, Roy Keane, Nicky Butt… »

« C’était assez chaud ! Bref, je suis au milieu, je crois que je suis resté quinze minutes au milieu, parce que, le ballon, il ne sortait pas. Je sors, Paul Scholes rentre, parce qu’il a dû perdre le ballon, ce qui arrive rarement, et puis, à un moment donné, il veut le dégager pour sortir. Et il me met à bout portant une frappe dans la tête. À bout portant, parce qu’il voulait dégager, et j’étais juste à côté. Et j’ai tout fait pour retenir mes larmes, le saignement de mon nez et la souffrance, juste pour montrer que j’étais un petit bonhomme. Donc, ouais, c’était "bienvenue à Manchester", quoi ! »

Pris sous l’aile de son idole

« Ce n’était pas juste un rêve, c’était un plaisir. Mon agent m’avait déjà donné l’occasion de le rencontrer à Cannes, par hasard. Donc j’étais content. Il m’avait invité chez lui aussi, quand j’étais à Sunderland, et il m’avait offert un maillot donc, franchement, c’était incroyable ! Je jouais pro mais j’étais presque plus heureux d’avoir un maillot de Ryan Giggs. Donc les présentations avaient déjà été faites. »

« Là où Ryan Giggs avait vraiment assuré, c’est qu’il m’avait gardé le casier à côté de lui, qui était à David Beckham avant, et je suis resté à côté de lui. Donc DB remplace DB », avait-il rigolé au même micro, avant de confesser qu’il n’avait malheureusement pas connu les mêmes succès footballistiques que Beckham.

Des débuts mancuniens en demi-teinte

Pour son premier match de pré-saison, Bellion marque et attire déjà les regards des fans mancuniens sur lui. Mais il leur faudra tout de même attendre le 28 octobre de la même année et une rencontre de League Cup contre Leeds pour enfin constater le premier but officiel du nouveau numéro 12 mancunien sous la tunique des Red Devils. Ce jour-là, donc, Bellion égalise, bien assisté par Djemba-Djemba, dans un derby des Roses ultra-bataillé qui se soldera finalement par une victoire mancunienne arrachée en prolongations à Elland Road (2-3).

Environ un mois plus tard, le 26 décembre 2003, à Old Trafford, contre Everton, David Bellion inscrit finalement son premier but en Premier League, parfaitement servi par la future star internationale Cristiano Ronaldo, un but plus que nécessaire, puisqu’il permet alors à United de faire le break avant que les Reds ne finissent par encaisser une réduction du score tardive des Toffees. Au coup de sifflet final, les Mancuniens s’imposent 3 à 2.

Un seul titre "gagné" mais des rêves réalisés

Malgré un manque de minutes de jeu évident lors de sa première saison, celui qu’on annonçait comme le nouveau Thierry Henry réalise, le 20 mars 2003, un autre de ses rêves, celui de marquer à Old Trafford sur une offrande de Ryan Giggs. Ce jour-là, alors que United mène 2 à 0, Bellion entre en jeu à la place de Paul Scholes dans le temps additionnel et, "Fergie time" oblige, le "rêveur" inscrit le but final du 3 à 0 contre les Spurs sur une passe décisive de son idole et réalise ainsi l'un de ses rêves de toujours au bien nommé Théâtre des Rêves.

Dès le début de la saison 2004/05, David Bellion parvient à marquer des buts importants pour le club, comme celui inscrit contre le Dinamo Bucarest au match retour du dernier tour d’accession à la Champions League, ceux plantés en championnat contre Norwich et Bolton ou encore le premier et unique but de sa carrière en Ligue des Champions (contre le Fenerbahçe). Mais, après le mois de septembre, Bellion perd de son influence dans la rotation mancunienne et joue beaucoup moins.

En janvier 2005, contre Arsenal, Bellion inscrit le seul et unique but de la qualification mancunienne pour les demi-finales de League Cup, une réalisation primordiale qui, malheureusement pour lui, ne suffira pas à empêcher son écartement définitif des groupes de match de l’équipe première, d’autant que, le 12 mai 2005, le Français subit un nouveau coup du sort en se fracturant la jambe lors de la finale du championnat anglais des équipes réserves.

La saison d’après, il est prêté à West Ham, avant de rapidement retourner en France en 2006.

Pour information, David aura tout de même remporté un trophée lors de son passage à United, à savoir celui du Community Shield 2003. Pour rappel, ce jour-là, l’attaquant tricolore avait quand même été inclus dans le groupe mancunien par Sir Alex Ferguson, alors qu’il n’avait même pas encore fait ses débuts en tant que joueur professionnel, ce qui veut dire que David Bellion a tout de même réussi à remporter un titre professionnel sans avoir joué la moindre minute en pro, et tout cela dans le club de ses rêves en plus, rien que ça !

Pouvez-vous en dire autant, vous ?